Darce Fardy – Il est parfois difficile de ne pas céder au pessimisme

Il y a une dizaine d’années, mon fils Peter m’a suggéré d’écrire l’histoire de mon intéressante carrière en journalisme

Juste comme le livre était mis sous presse, j’ai reçu mon diagnostic de démence, qui est mentionné dans les dernières pages. Voilà que je me retrouvais devant un avenir incertain pour moi, pour Dorothea et pour ma merveilleuse famille.

Si mon état ne montre pas de signes d’amélioration, c’est que la situation doit empirer. Mais ce n’est pas mon impression. Je reste en effet alerte et curieux. Je viens de terminer la lecture de Dispatches from the Front par David Halton et je lis actuellement le livre de Peter Neary sur la réticence des Terre-Neuviens de laisser le Canada se joindre à nous. Je n’ai aucune difficulté avec les mots, comme Dorothea peut en témoigner.

Il a beaucoup été question de directives préalables pour les personnes atteintes de démence, mais je ne suis pas encore prêt à m’aventurer sur ce terrain. À l’heure actuelle, la loi stipule qu’il faut être en mesure de donner son consentement plus près de la mort, mon seul choix est donc d’attendre et d’espérer

Les choses pourraient toujours être pires.

Un homme dont j’ai lu l’histoire a ainsi reçu son diagnostic à l’âge de 41 ans. La mémoire se dégrade graduellement, mais je ne pense pas vivre assez longtemps pour en ressentir les pires effets. Je ne veux pas que ma famille me voie comme un vieil homme en détresse. Vieux, d’accord, déprimé, jamais. Je jouis d’une telle richesse grâce à Dorothea et à ma famille.

J’ai lu quelque part que 24 % des hommes sont atteints de démence, comparativement à 35 % des femmes, quoiqu’on n’explique pas pourquoi l’activité physique est recommandée. Conscient de cela, j’ai donc repris le chemin du gym. Je n’ai pas eu à souffrir la gêne de voir les autres remarquer mon état. Mes chroniques comme celle-ci ont déjà vendu la mèche.

Je me demande souvent si, dans un état avancé de démence, je ressentirais de la peine lorsque les autres sont tristes, de la joie lorsque les autres sont heureux, de la sympathie ou de l’empathie au moment approprié.

Des amis me disent souvent que la mémoire connaît des défaillances à mesure que l’on vieillit. C’est peut-être vrai. Je ne suis plus si jeune, j’ai 86 ans bien comptés. Combien de temps ai-je encore? Il est parfois difficile de ne pas céder au pessimisme. Il est certain que je ne suis pas sur la pente ascendante de ma vie, mais globalement, les choses ne vont pas mal.

Un article récent dans le magazine New Yorker parlait d’une famille dont l’un des membres était atteint de démence et qui s’efforçait, où qu’il se trouve, de faire ressembler son environnement à son domicile. Je n’ai pas besoin de cela.

Personnellement, pour des raisons évidentes, je ne suis nullement déprimé. J’ai une merveilleuse famille et des amis fidèles qui me rendent souvent visite. Dans un certain sens, je suis chanceux d’être accro aux informations, grâce à mes nombreuses années dans le journalisme. On pourrait s’attendre à ce qu’une personne atteinte de ma maladie ne soit pas en mesure de suivre les complexités du monde actuel, de Brett Kavanaugh à Justin Trudeau, mais je dévore tout ce qui s’appelle politique, bulletins de nouvelles et séries policières.

Dans l’intervalle, Dorothea et moi avons accepté de participer à une étude par téléphone sur la démence intitulée « l’exercice en tant que stratégie pour contrer la démence ». L’organisateur avait lu quelques-unes de mes chroniques et il a obtenu mes coordonnées de la Société Alzheimer locale.

Alors, voilà où nous en sommes, c’est une drôle de maladie avec laquelle composer. J’espère mourir sous un ciel clair et non pas dans un brouillard de désespoir.

thechronicleherald.ca/opinion/fardy-pessimism-is-sometimes-hard-to-avoid-254446/

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