FARDY : Oublier fait désormais partie de mon quotidien

Les diversions agréables sont un merveilleux antidote à la démence. Et j’en ai eu à profusion récemment.

Mon fils Peter et sa femme Carol nous ont invités, Dorothea, ma fille Donna et moimême, à Toronto, toutes dépenses payées, pour voir la pièce Come From Away, cette œuvre formidable qui rend hommage à l’hospitalité dont les gens de Gander, à TerreNeuve, ont fait preuve à l’égard des voyageurs incapables de terminer leur vol vers New York après l’attentat terroriste du 11 septembre en 2001. Mon autre fille Sheila, qui habite à Toronto, s’est jointe à nous.

Pendant notre séjour à Toronto, nous avons passé du temps avec nos amis irlandais de longue date, Bob et Christine, ainsi qu’avec leur famille et leurs petits-enfants, dont mon copain Dylan, 13 ans. Sa sœur Maeve était également là.

En route vers Toronto, j’ai un peu bougonné à l’aéroport. Carol avait en effet insisté pour que je me déplace en fauteuil roulant dans l’aérogare. J’ai fait la moue, je n’en avais pas besoin!

Et si une de mes connaissances m’avait vu et s’était moquée de moi?

Mais voilà, nous avons été les premiers à prendre place dans l’avion et le personnel nous a accueillis tout sourire.

J’ai récemment vu le film Away From Her, avec en vedette ce formidable acteur terreneuvien, Gordon Pinsent. La femme du personnage joué par Pinsent est en maison de soins et elle croit qu’un autre patient est son mari.

Je frémis à la perspective d’oublier que Dorothea est ma femme. Cela me plongerait dans une profonde dépression. Et j’espère de tout cœur mourir avant elle, c’est le moins que je puisse demander.

À quel point est-ce normal d’oublier? « J’ai oublié » est l’une des phrases que j’emploie le plus souvent. Bien entendu, tout le monde le dit couramment, mais pour la plupart, il s’agit simplement d’une observation anodine. Pour moi, cependant, cela fait désormais partie de mon quotidien.

J’ai lu quelque part, bien sûr j’oublie où, que des scientifiques travaillent sur une cure pour la démence ou, à tout le moins, sur des façons de l’éviter. S’ils cherchent un cobaye, je me porterais volontaire sans hésiter.

Pour autant, le printemps est arrivé et l’été est à nos portes. Cela me met du pep dans le soulier et m’offre de belles diversions tous les jours.

J’ai beaucoup de temps libre et j’essaie de l’utiliser au mieux. Alors, comment est-ce que je me porte de ce côté-là?

Heureusement, j’adore lire, des livres, des magazines et des journaux, tant sur papier qu’en ligne. Nous sommes abonnés à cinq magazines. Je lis le présent quotidien tous les jours et plusieurs autres en ligne.

Je viens tout juste de terminer Dispatches from the Front, l’histoire de Matthew Halton, un célèbre correspondant de guerre canadien durant la Deuxième Guerre mondiale.

C’est un formidable ouvrage écrit par son fils David, lui-même un correspondant de CBC. Je suis également en train de lire Newfoundland in the North Atlantic World, de David Neary, et The Long Way Home, de John DeMont, qui écrit dans le présent journal.

Je me tiens également au fait des nouvelles quelques fois par jour sur ma tablette.

Dorothea est une merveilleuse lectrice et elle a certainement une meilleure mémoire que moi.

Il m’arrive aussi d’étranges choses. Ainsi, lorsque nous regardons des émissions à la télévision, j’ai invariablement l’impression de les avoir déjà vues. Dorothea m’assure que ce n’est pas le cas. En tout état de cause, je ne sais jamais comment les histoires se terminent.

Peut-être qu’un expert pourrait m’expliquer ce qui se passe dans mon pauvre esprit confus.

Entre-temps, je suis conscient que le temps avance et que mon cerveau va continuer de me trahir. Sans Dorothea, je serais déprimé à cœur de jour.

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